Premier sang, Amélie Nothomb
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Amélie Nothomb nous raconte l'enfance, l'adolescence et le vie de jeune adulte de son père, Pierre Nothomb, diplomate belge décédé en mars 2020. Elle décrit les vacances chez Pierre Nothomb - le baron - , arrière grand-père d'Amélie - au château de Pont d'Oye, des vacances insolites au cœur d'une tribu d'enfants pauvres livrés à eux-mêmes. Elle relate aussi la prise d'otages qu'a vécue son père, consul au Congo-Kinshasa en 1964, et dans laquelle il a joué le rôle d'interlocuteur.
Un bel hommage à son père. Un livre bien écrit.
"A la microscopique gare de Hablay-la-Neuve nous attendait une charrette tirée par deux chevaux, conduite par l'homme à tout faire des Nothomb qui s'appelait Ursmar. J'exultai de parcourir en cet équipage les six kilomètres qui nous séparaient de Pont d'Oye. Bon-Papa affichait désormais un air terrible. Au loin, je vis une tour jaillir de la forêt. Le Pont d'Oye m'étonna plus qu'il me déçut. Vu d'ici, il paraissait encaissé ; à mesure que l'on s'en approchait, on le découvrait érigé sur un promontoire. Le moins qu'on puisse dire est qu'il ne ressemblait pas à un château-fort : on aurait pu créer pour lui l'appellation de château faible. Cette élégante bâtisse du dix-septième siècle avait connu des jours meilleurs. Sa beauté, qui consistait surtout dans son emplacement, adossé à la haute forêt et surplombant le lac, sentait le délabrement. Ce qui le sauvait était sa couleur, un lavis de coq-de-roche qui, à la lumière du soleil, se déclinait en nuances d'ocre rose et de pêche de vigne."
"L'été 1964, l'ambassadeur de Belgique me nomma consul à Stanleyville. Laissant ma famille dans la capitale, j'y atterris pour prendre mon poste. Le pays était alors en proie à des querelles intestines explosives et une rébellion qui se voulait marxiste couvait dans tout le pays depuis l'indépendance. Le 6 août, commença ce qui devait être la plus grande prise d'otages du vingtième siècle. Les rebelles s'emparèrent de la ville et les mille cinq cents Blancs qui y habitaient devinrent otages. Les nouveaux maîtres de Stanleyville avertirent les autorités de la capitale que, s'ils n'acceptaient pas leurs conditions, les otages seraient exécutés."